Environnement : une avancée majeure dans le recyclage de vêtements
21 octobre 2024 à 16h31 par Rubens Constantino
Des chercheurs américains ont mis au point une technologie révolutionnaire permettant de recycler automatiquement les vêtements composés de tissus mélangés. Cette innovation pourrait enfin répondre aux enjeux environnementaux liés à l'industrie textile, un secteur encore très peu, voire pas durable.
Le textile, véritable pilier de notre quotidien, est aussi l’une des industries les plus polluantes au monde. Avec l’essor de la fast fashion, les placards se remplissent aussi vite que les décharges. Cependant, une avancée inédite des chercheurs de l’Université du Delaware pourrait bien inverser la tendance. Grâce à une nouvelle technique de recyclage, le rêve de transformer une vieille veste en de nouveaux vêtements sans passer par un tri fastidieux pourrait bientôt être à portée de main.
Une technologie révolutionnaire
Jusqu’à présent, recycler un vêtement était un casse-tête écologique. Les vêtements, souvent composés de multiples matériaux, doivent être méticuleusement triés, décousus et séparés selon leurs fibres, doublures et accessoires. Ce processus, long et coûteux, décourage souvent les industriels et fait que seulement 1% des vêtements produits chaque année dans le monde sont effectivement recyclés. C'est cette triste réalité que l’innovation dévoilée le 3 juillet 2024 dans Science Advances tente de résoudre.
Les chercheurs ont mis au point une technique permettant de séparer automatiquement les fibres des vêtements à l'aide d'un bain chimique. En seulement 15 minutes, les fibres de coton, polyester ou encore nylon peuvent être récupérées intactes, prêtes à être réutilisées. Avec cette méthode, même les vêtements les plus complexes, comme une veste en coton avec une doublure en nylon, peuvent être recyclés sans effort supplémentaire. Une révolution dans un domaine où l’un des plus grands obstacles était justement le recyclage des textiles mélangés.
Un enjeu de taille
Si cette méthode promet d’augmenter significativement le taux de recyclage des vêtements, les chercheurs estiment qu’elle permettra d’atteindre un taux de 88% de recyclabilité. Ce chiffre impressionnant reste cependant freiné par certains défis techniques, notamment la difficulté à traiter certains colorants et traitements chimiques spécifiques, comme les finitions antimicrobiennes ou anti-rides. Par ailleurs, un autre obstacle majeur demeure : les boutons et fermetures éclair, qui nécessitent encore un retrait manuel. Ces limitations expliquent pourquoi atteindre les 100% de recyclabilité reste complexe, bien que cette nouvelle technique marque un pas décisif.
Mais surtout, l’importance de cette avancée technologique ne peut être comprise sans rappeler l’impact environnemental de l’industrie textile. Ce secteur, deuxième plus polluant après celui des hydrocarbures, émet à lui seul environ 4 milliard de tonnes de CO2 par an, selon l'ADEME, soit plus que les vols internationaux et le transport maritime combinés. Cela correspond à 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (vêtements et chaussures réunis). De plus, la production textile est responsable de 20% des eaux usées mondiales et de la libération massive de microplastiques dans les océans lors du lavage des vêtements synthétiques. Des chiffres probants, qui illustrent bien l’urgence de repenser notre manière de consommer la mode et de réduire la surproduction de vêtements.
Le recyclage apparaît comme une solution essentielle pour contrer ces impacts désastreux. Toutefois, en l’état actuel, l’Union européenne a fixé un objectif de seulement 20% de vêtements recyclés d’ici 2030, un chiffre bien timide au vu de l’ampleur de la crise écologique. D'autant plus qu'il ne s'agit que d'un simple objectif... Aucune contrainte n'a été imposée aux industriels. Aujourd’hui, la plupart des vêtements finissent dans des décharges ou sont incinérés, aggravant ainsi le problème des déchets textiles qui pourraient doubler d'ici 2050. Un rapport dévoilé au Parlement Européen estime que la production mondiale de fibres textiles devrait atteindre 145 millions de tonnes d'ici 2030, elle était de 58 millions en 2000 selon l'AEE (Agence Européenne pour l'Environnement). Une prévision qui fait craindre une augmentation au moins équivalente des déchets textiles.
Ainsi, cette avancée se présente comme un tremplin nécessaire vers un avenir où les déchets textiles seraient minimisés et où l'industrie de la mode ne rimerait plus avec désastre écologique, où elle contribuerait à la protection de la planète, plutôt qu'à sa dégradation.