Paris : aux jardins d'Éole, les habitants face aux consommateurs de crack
26 mai 2021 à 9h20 par Mathieu Message
Aux jardins d'Éole (XVIIIe arrondissement de Paris), les consommateurs et dealers de crack ont inves
Crédit : Mathieu Message
Le quartier Stalingrad, dans le XIXe arrondissement de Paris, accueille chaque jour des actes de violence toujours plus importants. La population locale, épuisée, se sent aussi abandonnée par les pouvoir publics. Depuis des mois, les habitants voient défiler dealers et consommateurs de crack dans les jardins d'Éole, devenus une zone de tous les dangers.
Après un week-end encore marqué par la violence, les riverains sont à bout dans le quartier Stalingrad (XIXe arrondissement de Paris). Dans la nuit de vendredi à samedi, un homme a été filmé par des riverains en train de violer une femme sur la voie publique. Il a été depuis placé en détention.
Mais cet énième acte de violence épuise la population locale, qui se sent abandonnée. Depuis des mois, les habitants voient défiler dealers et consommateurs de crack dans les jardins d’Éole. Le quartier est d'ailleurs surnommé "Stalincrack" depuis quelque temps.
"Ça risque de péter !"
Akil tient la brasserie O’Parc, située en face des jardins d'Éole. Il est exaspéré par la situation : "Ça devient vraiment problématique pour nous. Ce week-end, c'est une bagarre entre toxicomanes qui a eu lieu. L'un d'eux a couru dans la brasserie, en sang, pour se réfugier dans mes toilettes. Moi, je suis obligé de faire la police, perdre 40 minutes au lieu de servir mes clients. On a eu aussi un client qui déjeunait en terrasse et qui s'est fait voler l'entrecôte qu'il avait commandée. Vous vous rendez compte ? Moi je suis gêné en plus, par rapport aux clients !"
Même constat pour Pascal, qui s'occupe de la sécurité lors des sorties d'écoles. Très engagé dans son quartier, il constate la présence de "zombies" dans les rues. La semaine dernière, une personne âgée s'est fait voler son sac sous la menace, et lui-même s'est déjà fait agresser deux fois par le passé.
Akil tente de tempérer la colère de ses voisins, mais il redoute surtout une issue terrible si personne n'intervient rapidement : "Ce n'est plus possible de vivre dans ces conditions, tout le monde est traumatisé. Les gens arrivent à bout et l'État, la police ne font rien ! Je suis sur un groupe WhatsApp et je peux vous assurer que les riverains sont déterminés à régler le problème, si nécessaire... Je pense vraiment que ça risque de péter."
Un parc inaccessible pour les familles
Beaucoup regrettent que ce soit l'un des derniers quartiers populaires de Paris qui soit concerné par ce problème. Pour les habitants, les quartiers pauvres sont oubliés par les autorités, au détriment d'endroits plus touristiques ou institutionnels.
Adèle vit à Stalingrad depuis un an et l’a vu changer en quelques mois. Aujourd'hui, elle ressent une véritable insécurité : " Plus que la dangerosité, c'est le fait de voir des gens dans un état second, des morts-vivants aux comportements imprévisibles, en pleine journée et à côté de chez soi. Notamment dans le métro, où il y en a beaucoup qui sont sur le quai ou à proximité des sorties. J'évite donc de le prendre le soir, en tant que femme, c'est assez effrayant. Après, je me dis que je suis dans une bonne situation parce que je n'ai pas d'enfants, mais je pense aux familles qui ne peuvent pas se rendre au parc. Que des enfants soient confrontés à des images de drogue, et pas n'importe quelle drogue, c'est un problème qu'il va falloir régler. Ça ne suffit pas de déplacer le problème de quartier en quartier !"
Même son de cloche pour Haoua et Maëva, 18 et 22 ans, étudiantes à l'école de la deuxième chance. Lorsqu'elles ont commencé leur cursus scolaire dans le quartier, elles ont été surprises par l'ambiance qui y régnait. Pour l'instant, et heureusement, rien de grave ne leur est arrivé. Toutefois, elles ont déjà été suivies et interpellées par des hommes alors qu'elles profitaient d'une pause repas.
Le quartier se mobilise pour tenter de faire bouger la situation. Tous les soirs à 20 heures, les habitants se rendent à leur fenêtre pour faire le maximum de bruit avec des casseroles, et tous les mercredis, ils manifestent devant les jardins d'Éole avec pancartes et sifflets.