Yvelines : une prof "exfiltrée" de son collège après avoir montré une photo de Soprano en cours
19 janvier 2022 à 7h49 par Michaël Livret avec AFP
Une enseignante de SVT d'un collège de Trappes a dû être "évacuée" de son établissement et du département des Yvelines après avoir reçu des menaces de mort. Dans un cours sur l'évolution de l'Homme elle avait associé une image du chanteur Soprano sur la frise chronologique.
« J’ai du tout quitté en quelques jours ». Lors d'une leçon pour une classe de 3e en décembre 2020, cette professeure de SVT (sciences de la vie et de la terre) avait décidé, "pour intéresser les élèves" a-t-elle plaidé auprès de l'AFP, d'apposer une photo du rappeur français Soprano, d'origine comorienne, sur une frise chronologique.
La présence sur cette même frise d'une image de singe a suscité la colère d'un père d'élève, selon Le Parisien qui a révélé l'affaire. Quelques semaines après, Stéphanie* est convoquée par son chef d'établissement pour un rendez-vous avec le parent, dont le profil n'a pas été précisé et qui a jugé raciste la juxtaposition des deux images et relayé une partie du cours sur Facebook en le remettant en cause.
La professeure de Trappes, aujourd'hui âgée de 35 ans, a reçu plusieurs menaces après la publication du père de famille sur les réseaux sociaux, qu'il a supprimée après le rendez-vous au collège.
« Quitter l'Île-de-France au plus vite »
Selon le rectorat de Versailles contacté par l'AFP, "cette situation a été prise très au sérieux par l'académie" deux mois après l'assassinat et la décapitation dans le même département de Samuel Paty.
"Traumatisée par cet assassinat", comme beaucoup d’autres de ses collègues, Stéphanie a alors déposé plainte et reçu la visite des policiers du renseignement territorial. Ils lui ont demandé "de quitter l'Ile-de-France au plus vite", se souvient Stéphanie, désormais professeure remplaçante dans une autre région.
"J'ai tout perdu, tout ce que j'ai construit depuis dix ans, cet homme m'a volé ma vie et j'ai eu très peur pour ma vie", raconte-elle par téléphone à l'AFP, souhaitant travailler désormais "au plus près de sa famille".
"Je n'ai vu aucun signal d'alerte pendant ni après le cours, et j'utilise ce support pour illustrer cet enseignement depuis déjà plusieurs années à la demande d'un ancien élève qui souhaitait voir plus d'illustrations de personnes issues de la diversité", poursuit l'enseignante, qui regrette n'avoir reçu que le soutien de son syndicat, le Snalc, et "rien" du rectorat.
Un nouveau procès à venir
Aujourd'hui, "je n'ai plus confiance dans l'institution, j'appréhende d'aborder d'autres sujets sensibles comme la puberté et la reproduction. Quand va-t-on commencer à faire barrage à ces parents d'élèves qui menacent ?", s'interroge la professeure, "j'ai dû être exfiltrée en seulement quelques jours".
En novembre, le père d'élève a été condamné pour harcèlement au moyen d'un service de communication au public en ligne à six mois de prison ferme et 13.600 euros de dommages et intérêts par le tribunal de Versailles. Le prévenu a été relaxé du chef d'injure publique envers un fonctionnaire par moyen de communication, a indiqué le parquet à l'AFP, précisant qu'un appel était en cours.
La date du nouveau procès n'est pas encore connue.
*Le prénom a été modifié