La RATP et un sous-traitant ont-ils exposé des ouvriers voire des usagers à l'amiante ?
1er mars 2023 à 10h57 par Michaël Livret
Une juge enquête sur la possible exposition d'un ouvrier à des poussières d’amiante dans le métro parisien pendant 20 ans.
"Nuages de poussière". Une juge d'instruction enquête depuis octobre 2022 après la plainte d'un ouvrier qui estime avoir été mis en danger pendant 20 ans lors de travaux nocturnes de réfection des stations du métro parisien.
Depuis le 12 octobre, une information judiciaire au pôle santé publique du Tribunal judiciaire de Paris est ouverte pour "mise en danger d'autrui" et "emploi de travailleur dont l'activité l'expose aux rayonnements ionisants sans évaluation des risques conforme" ni "respect des règles de prévention", selon le parquet de Paris.
Embauché chez ERI en 2001 et en arrêt de travail depuis 2020, il a été entendu début décembre.
Informé sur la présence d’amiante fin 2015
Cet ouvrier de 39 ans devenu chef d'équipe a raconté son travail nocturne sur le réseau électrique des emblématiques stations. Il affirme avoir travaillé sans réel équipement de protection respiratoire pendant 20 ans, et n'avoir été informé de la présence d'amiante dans les réseaux électriques du métro qu'il démantibulait que fin 2015.
Ce n’est qu’en juin 2017 qu’il obtient un équipement complet de protection. Il dit alors se "rendre compte" que "tout ce qu'on cassait", parfois "à la main et en t-shirt", depuis des années dans des "nuages de poussière", contenait de l'amiante.
« Je me dis, je les ai peut-être tués indirectement »
S'il n'a pas développé à ce stade d'affection, il sait que cette fibre isolante, massivement utilisée dans la construction avant d'être interdite en France en 1997, est une bombe à retardement, facteur de cancers du poumon ou de la plèvre longtemps après l'exposition.
Sa principale inquiétude concerne la présence de fibres d'amiante sur son bleu de travail, "lavé avec les affaires des enfants". "Je me dis, je les ai peut-être tués indirectement sans le savoir", ajoute-t-il, les larmes aux yeux.
Un risque possible pour les usagers du métro ?
En 2014, l'Institut français de veille sanitaire évoquait 100.000 morts possibles d'ici 2050.
Son avocate, Me Leila Messaoudi, avait déposé une première plainte pénale en 2021, évoquée par Le Parisien.
Elle accuse la RATP et ERI de ne pas avoir respecté leurs "obligations extrêmement précises" en matière d'amiante, dont les employeurs doivent démontrer l'application. Elle s'inquiète aussi d'un risque pour les usagers du métro, relevant que la SNCF avait fermé trois mois en 2018 une station de RER pour des travaux liés à la présence d'amiante.
ERI et RATP évoquent des contrôles de terrain stricts et réguliers du second sur ces points.
Outre la procédure pénale, cet ouvrier demandera vendredi 3 mars au tribunal des prud'hommes de Créteil la résiliation judiciaire de son contrat et l'indemnisation de son préjudice.