Comprendre les allergies et s’en protéger, notre entretien avec un allergologue
18 avril 2024 à 10h43 par Estelle Lafont
Oui, le printemps est bien là, les arbres et les fleurs ont bien compris que c’était leur moment, on parle évidemment de la période des pollens ! Pour comprendre et se protéger, nous en avons parlé avec un allergologue, le docteur Edouard Sève.
« Il y a actuellement 10 à 15% de la population française concernée par les allergies aux pollens » démarre le docteur Edouard Sève, président du syndicat des allergologues. Sur le papier ça concerne quand même énormément de monde et vous connaissez probablement au moins une personne de votre entourage qui y est sujette.
Il existe 3 types d’allergènes, les alimentaires, les chimiques (composants présents dans des produits qui provoquent souvent une réaction cutanée comme les parfums, crèmes ou produits d’entretiens) et aériens, ce sont eux qui nous intéressent ici, ils sont responsables de 2/3 des allergies.
Comprendre son corps
« L’allergie c’est un dérèglement du système immunitaire, le corps un jour, on ne sait pas pourquoi telle ou telle personne à tel ou tel moment va voir son système immunitaire lui dire qu’un élément est dangereux, un aliment, le chat, le pollen. Le corps créera des défenses : les anticorps, pour s’en protéger (…) ça passe donc par une activation dès qu’il y a contact, une inflammation puisque le corps se défend et dans le cas des pollens c'est : nez qui pique, gratte et coule, pareil pour les yeux » explique-t-il.
Jusque-là rien de nouveau, mais il ajoute « qu’il y a une prédisposition génétique, des familles avec plus de risque et des facteurs individuels comme le mode de vie (les environnements avec plus de pollution par exemple rendent les gens plus sujets aux allergies) ou encore les perturbateurs endocriniens ».
Particularité d’une allergie, c’est qu’elle peut apparaître à n’importe quel moment de la vie, « une personne peut perdre son allergie, en guérir tout seul mais aussi en développer une et ce, malgré des tests négatifs des années auparavant, s’il y a un doute (notamment avec les symptômes évoqués plus haut) il faut refaire des tests » ajoute-t-il.
Cela dit, ces symptômes ne font pas de vous un sujet allergique pour autant, vous pouvez y être simplement sensible de par une grande concentration, « en 2023, sur mai/juin on a eu une concentration de pollens car il a fait très beau, il n’a pas plu pendant presque 2 mois et il y a eu beaucoup de gens irrités, simplement car la quantité de pollens dans l’air était trop forte » poursuit-il, en ajoutant un second exemple celui de « la balade en bordure de champs en pleine période de moissons risque aussi de provoquer des réactions, même aux personnes non-allergiques, c’est tout à fait normal ».
Comment s’en protéger ?
Les concernés connaissent déjà certains protocoles à faire au quotidien, « aérer son domicile tôt le matin ou tard le soir car on sait que le pic de pollen est à midi, on évite de jardiner en journée, si on s’expose aux pollens on met des lunettes, (et même si on ne voulait plus en entendre parler après le Covid) un masque. Si on veut faire du sport, on évite d’aller courir dans les bois et près des champs », des gestes évidents mais il nous en liste d’autres, auxquels on ne pense pas forcément : « se rincer les cheveux le soir pour en enlever les dépôts, et éviter de faire sécher son linge dehors car les particules adorent le linge humide et cela peut gêner votre sommeil » ajoute-t-il (si vous avez des animaux, pensez aussi à brosser leurs poils).
Mais ces astuces quotidiennes ne sont qu’un pis-aller, elles minimisent mais ne constituent pas une solution sur la durée et c’est là qu’intervient la désensibilisation. « Le protocole est accessible à partir de l’âge de 5 ans et n’est pas différent des enfants aux adultes, (on va peut-être privilégier le modèles des gouttes sous la langue plutôt que les cachets pour les petits), tous les jours ou pendant 6 mois de l’année on s’inocule des petits extraits de pollens pour induire une tolérance et comme ça le corps va moins réagir quand ça sera la pleine période (…) on s’y astreint pendant 3 à 5 ans et normalement on est tranquilles pendant 15 ans, 30 ans ou toute la vie » mais il ajoute que dans certains cas « ça peut revenir 15 ans plus tard car il peut se passer tellement de choses et on peut refaire un protocole de défense il n’y a aucun problème (…) il y a même eu du progrès par rapport à ce qu’on faisait il y a 20 ans et la durée de protection s’allonge, on en saura un peu plus… dans 20 ans justement » poursuit-il.
Sinon il vous reste la solution de déménager si les pollens vous rendent la vie impossible car d’après le Dr Sève « sur les côtes en tout cas grâce aux vents marins il y a moins de pollens, les gens sont moins impactés » (la Bretagne est à vous !).
De plus, les pollens allergisants sont différents selon votre région d’habitation, « au sud de la France on aura le cyprès, l’olivier, du platane et du chêne. Dans la vallée du Rhône on aura beaucoup d’ambroisie et puis sur la moitié nord du bouleau (sans mauvais jeu de mots), du frêne, de l’armoise l’été et de l’Alternaria aussi qui est une moisissure qui va avec les pollens » précise-t-il.
La météo contre nous
« On avait l’habitude de dire que la période de pollens commençait en février (de manière douce, la période forte commence actuellement et se termine vers juillet), mais cette année c’était plutôt janvier (…) en 2023 ça a fini début octobre ». On note donc d’après lui un allongement de cette période pollinique avec l'impact direct du réchauffement climatique sur la sortie des pollens. « Il suffit qu’il fasse 5 degrés dehors pour que les pollens apparaissent » informe-t-il alors qu’on se remémore un hiver particulièrement doux, « les premiers pollens de noisetier sont apparus à partir de Noël, ça commence de plus en plus tôt ».
Si vous en avez marre que printemps rime avec éternument et de vider des paquets de mouchoirs à gogo, on vous conseille la désensibilisation, voyez avec votre médecin traitant ou un allergologue et renseignez-vous auprès de votre mutuelle car certains protocoles ne sont pas remboursés (les injections notamment), et la sécurité sociale a revu à la baisse sa couverture, le prix varie quoiqu’il arrive en fonction du nombre d’allergènes à traiter, car chaque APSI (allergènes préparés spécialement pour un seul individu) est unique.