Essonne : harcelée et suicidée, les parents de Marion, 13 ans, veulent des réponses
17 janvier 2022 à 11h13 par Michaël Livret avec AFP
Essonne : harcelée et suicidée, les parents de Marion, 13 ans, veulent des réponses
Crédit : CCO
Insultes, moqueries : en 2018, la justice conclut à des actes "isolés" et prononce un non-lieu que la famille conteste mercredi en cassation. Pour les parents de la jeune fille, c'est l'accumulation qui a tué Marion.
"Vous êtes allés beaucoup trop loin dans cette histoire (…) Ma vie a dérapé et personne ne l'a compris". Un mercredi de février 2013, la mère de Marion découvre le corps sans vie de sa fille, retenu par un foulard noué à la poignée de la porte de sa chambre, dans la petite ville de Vaugrigneuse (Essonne).
Elle tente une réanimation, vaine. Sa fille décède en début d'après-midi. Marion a laissé une lettre manuscrite.
Un mal-être persistant chez Marion
Elle y énumère les mots qui l'ont blessée à mort – "salope, faux cul, connasse, bolosse, sale pute" – et les attribue à des camarades, qui l'ont "insultée, ignorée", "pas soutenue" ou qui n'ont "fait qu'aggraver les choses".
Depuis le drame, ses parents mènent deux combats de front : celui de leur association, Marion La main tendue, qui lutte contre le harcèlement, et celui, devant la justice, de reconnaissance des responsabilités dans cette tragédie. Notamment du collège en tant que personne morale.
"Jeu de collégiens"
Sur le plan administratif, la responsabilité partielle de l'État est reconnue en janvier 2017 par le tribunal administratif de Versailles qui lui reproche de n'avoir ni détecté ni empêché le harcèlement et le condamne à verser 18.000 euros de dommages et intérêts à la famille de l'adolescente.
Sur le plan pénal, les parents portent plainte contre X pour violences volontaires, menaces de mort, provocation au suicide, homicide involontaire, omission de porter secours, désignant implicitement des collégiens et l'établissement scolaire que les parents accusent d'inertie.
Une juge d'instruction d'Évry auditionne le directeur de ce collège de l'Essonne, des professeurs, des parents d'élèves – certains rapportant des brimades répétées sur leurs propres enfants. Les SMS de Marion, ses résultats scolaires, son dossier médical sont examinés.
L'enquête prouve une pluie d'insultes sur les réseaux sociaux – "pute", "de mauvaises photos de toi circulent" – voire des menaces non voilées : "Quand tu vas en recevoir plein la gueule, tu vas comprendre".
La juge conclut à des évènements "isolés et concernant différentes personnes n'agissant pas dans une même intention" ne pouvant caractériser une situation de harcèlement, dédouanant de facto la direction et le personnel encadrant qui n'auraient pu faire de lien et songer à une situation de mort imminente.
Les faits relatés s'inscrivent dans un "jeu auquel se livrent habituellement les collégiens", estime la magistrate, écartant toute notion de délit, avant de prononcer un non-lieu en août 2018.
La famille se pourvoit en cassation
Selon leur avocat devant la plus haute juridiction pénale Michaël Ghnassia, la chambre de l'instruction a violé le droit en ce qu'il n'est pas nécessaire de déterminer un mobile pour reconnaître des "violences volontaires" qui pourraient incriminer les camarades de classe.
Mais surtout, sur la question de l'homicide involontaire, la justice aurait dû retenir la responsabilité de la personne morale, à savoir le collège, coupable de "négligence". "Individuellement, chacun n'est pas forcément la cause directe de l'homicide involontaire (…) mais quand on accumule l'intégralité des défaillances, la personne morale est responsable", avance l'avocat.
Cette question de droit, "assez inédite" selon lui, devra être tranchée mercredi 19 janvier 2022 par la Cour de cassation ainsi que celle du mobile des violences volontaires, comme le demande également le conseiller rapporteur.
Début décembre, l'Assemblée nationale a voté à l’unanimité la création d'un nouveau délit de harcèlement scolaire.