« Iel » entre dans le Robert, un député LREM s’insurge
17 novembre 2021 à 15h37 par Étienne Escuer
Le Robert fait entrer provisoirement le pronom "iel" dans son dictionnaire en ligne.
Crédit : Rédaction / Etienne Escuer - Image d'illustration
Le pronom neutre « iel » vient de faire son entrée dans le célèbre dictionnaire « Le Robert ».
« Il », « elle »… et « iel » ! Un nouveau pronom vient d’intégrer la version en ligne du dictionnaire Le Robert. Ce dernier est défini de la sorte : « RARE Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L'usage du pronom iel dans la communication inclusive. - REM. ON ÉCRIT AUSSI ielle , ielles . »
Selon le journal Le Figaro, il s’agit d’une entrée provisoire, mais le mot pourrait à l’avenir définitivement intégrer le dictionnaire en ligne puis sa version papier. Une décision contre laquelle le députée LREM de l’Indre François Jolivet s’insurge. L’élu a ainsi écrit à l’Académie Française pour lui demander sa position sur le sujet.
"L'avènement de l'idéologie woke"
Dans son courrier, François Jolivet, qui a déposé il y a quelques mois une proposition de loi pour interdire en partie l’écriture inclusive, se dit « stupéfait par cette initiative ». Il explique que la reconnaissance de ce pronom dans un dictionnaire « serait le stigmate de l’entrée dans notre langue de l’écriture dite inclusive, sans doute précurseur de l’avènement de l’idéologie Woke ("éveillé" en français, terme essentiellement utilisé pour désigner des militants soucieux des questions raciales et d'égalité sociale, NDLR), destructrice des valeurs qui sont les nôtres ». Oubliant sans doute au passage que « Woke » ne figure pas non plus dans le dictionnaire…
L’affaire est même remontée jusqu’aux plus hautes instances de l’Etat, puisque le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer a indiqué soutenir la protestation du député de l’Indre. « L’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française », estime le ministre.
Choix militant ou enregistrement de l'usage ?
Le Robert a-t-il eu raison d’intégrer le pronom « iel », essentiellement utilisé dans la communauté LGBT et les sphères militantes de gauche ? Sur Twitter, Laélia Véron, maîtresse de conférence en stylistique et langue françaises à l’université d’Orléans, explique « qu’un dictionnaire enregistre l’usage. Le Robert considère donc que le mot « iel » est en pleine ampleur et va s’imposer. On verra avec l’avenir s’il a raison ou non, si le mot va s’imposer dans divers usages courants ou restera dans des sphères restreintes et militantes. »
La linguiste orléanaise souligne tout de même que la décision est « un choix éditorial, bien entendu. Le Robert essaie de suivre de très près l’usage, et intègre souvent certains mots avant le Larousse, par exemple "autrice". Remarquons cependant que "iel" était dans le Wiktionnaire depuis plusieurs années déjà. Ce choix prouve bien qu’il n’y a pas un dictionnaire, mais des dictionnaires. Le Wiktionnaire avait intégré "iel" depuis longtemps, Le Robert l’intègre à présent, et si le mot s’impose massivement, le Larousse suivra dans quelques années (et l’Académie dans 100-200 ans). »
(Avec AFP)
L’utilisation du pronom « Iel » va-t-elle se répandre à l’avenir ? Il y a quelques mois, dans une interview, Laélia Véron nous expliquait que des coups de pouce ou de frein pouvaient être donnés avec les dictionnaires ou les lois, par exemple. Mais qu’à la fin, « c’est toujours l’usage qui l’emportera ».
Dans un communiqué publié sur le site internet du Robert, Charles Bimbenet, le directeur général des éditions se défend de tout militantisme. S'il reconnait que l'usage de ce mot est « encore relativement faible », il explique que depuis quelques mois, les documentalistes du Robert ont constaté qu'il était de plus en plus utilisé. « De surcroît, le sens du mot "iel" ne se comprend pas à sa seule lecture et il nous est apparu utile de préciser son sens pour celles et ceux qui le croisent, qu'ils souhaitent l’employer ou au contraire… le rejeter », explique-t-il. Charles Bimbenet rappelle que « la mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte. Définir les mots qui disent le monde, c'est aider à mieux le comprendre ». Avant de conclure : « N’en déplaise à certains, Le Robert n’a pas été subitement atteint de "wokisme" aigu, un mot "non transparent" (pas encore défini, ndlr) dont nous vous promettons bientôt la définition. »